Témoignages

Retours d'expérience

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Témoignage d’aidant Annie Vigier Ecrivain public socio-numérique conventionné

Bonjour Annie, pouvez-vous svp vous présenter et présenter votre activité ?

Je suis écrivain public socio-numérique, c’est important de le préciser parce que parmi toutes les spécialités d’écrivains publics, c’est celle que j’ai choisi d’exercer à l’exclusion de toutes les autres. C’est-à-dire que je ne fais pas de correction de mémoire, je ne fais pas d’autobiographie ou de relecture. Je ne fais pas non plus de discours. Je me limite à l’accompagnement des personnes qui sont les plus éloignées de l’écrit et du numérique, c’est-à-dire, les publics traditionnels d’Aidants Connect.

J’exerce dans plusieurs structures mais uniquement dans ma ville à Vierzon intra-muros. Dans le centre social de l’AJCV dans le quartier du Clos du Roy, qui est une structure proche des habitants avec une forte population immigrée dont les problématiques sont celles de quartiers excentrés. En effet, la population éprouve des difficultés à aller dans le centre-ville.

J’exerce également à la maison de Justice et de droit de Vierzon et le public que j’accompagne est plus varié et ne vient pas seulement du quartier. Mais je suis malheureusement obligée de refuser des accompagnements d’administrés pour me limiter aux demandes des habitants de Vierzon intra-muros. L’avantage d’exercer dans une maison de justice c’est que lorsqu’il y a des questions spécifiquement juridiques, je peux m’adresser directement à la greffière. Que ce soit pour une action vis-à-vis du procureur, sur les demandes d’aides juridictionnelles, sur des courriers liés à des litiges ou encore pour confirmer la légalité d’une démarche, il est très facile de s’adresser à la greffière pour demander conseil.

J’exerce aussi au sein de l’association IMANIS qui est l’accueil de jour de la fondation Abbé-Pierre pour des personnes sans-abris. Récemment, j’ai commencé à accompagner des personnes détenues au sein de la maison d’arrêt de Bourges. Enfin, j’accompagne à distance des personnes avec qui j’ai créé un mandat Aidants Connect lorsqu’ils m’interrogent parfois sur des points particuliers de leurs dossiers.

J’envisage cependant, l’extension de mon activité avec une autre personne pour reprendre mes missions mais sur tout le territoire de notre communauté de communes Vierzon-Sologne-Berry.

Est-ce que la volonté de pérenniser votre activité est le reflet d’un besoin important d’accompagner les usagers dans leurs démarches en ligne sur votre territoire ?

En effet, j’ai ressenti un besoin en discutant avec les personnes que j’accompagne. Il y a un rôle essentiel qui est celui de l’écrivain public qui n’est pas pourvu aujourd’hui. Je suis donc allée voir les pouvoirs politiques locaux, de la communauté de communes et de la ville notamment pour faire remonter ce besoin d’accompagnement. Même si le territoire dispose déjà de médiateurs numériques, de conseillers numériques et même de France Services, je travaille aujourd’hui pour montrer qu’il y a un besoin. J’ai créé une association en 2021 qui s’appelle Passeurs de mot dont l’objet est exclusivement de persuader les collectivités de créer un poste d’écrivain public et qui se propose de faire le portage du poste.

Sans pérennisation de mon poste, plus de 400 personnes que je suis actuellement seront sans solution demain.

Vous avez rejoint la communauté des Aidants Connect depuis maintenant plus de 3 ans. Pourquoi ?

J’ai tout de suite vu l’intérêt d’Aidants Connect ! Je me suis dit que cet outil allait me faciliter le travail, me permettre de travailler en toute légalité. Avant, les usagers venaient avec leur post-it avec identifiants et mot de passe dessus et je m’identifiais au nom des usagers de manière informelle. D’autant plus qu’à l’époque je travaillais sur mon propre ordinateur, c’était vraiment de la haute voltige ! Je n’ai jamais refusé mon aide à quiconque mais je ne me sentais pas l’aise de les accompagner dans ces conditions.

L’outil est évidemment utile pour les personnes qui ont France Connect ce qui n’est pas la totalité des personnes que j’accompagne. Beaucoup n’ont pas d’identité numérique. Pour ces publics-là, on fait avec les moyens du bord.

Ma seule contrainte sur l’utilisation de l’outil est dans la maison d’arrêt. Il n’est pas possible d’avoir une connexion internet à l’intérieur de l’établissement. Je me suis donc inspirée du mandat Aidants Connect mais sans France Connect pour avoir un mandat type sur lequel les mentions essentielles sont précisées.

Pouvez-vous nous partager le(s) cas où Aidants Connect est très utile pour vous ?

Aidants Connect, je l’utilise pratiquement tous les jours. Juste avant notre échange, j’ai une usagère qui m’a contacté pour l’aider sur une démarche des impôts. Grâce au mandat Aidants Connect, j’ai pu consulter ce que demandaient les impôts. Cela m’a pris 5 minutes pour accéder à mon compte Aidant : identifiant, code de sécurité, mail de connexion, puis accès au compte fiscal, j’ai pu renseigner cette personne, et j’étais à l’heure à notre rendez-vous ! Aidants Connect, c’est tout le temps : pour des démarches, pour vérifier des informations reçues, ou pour répondre à l’administration.

Est-ce qu’il y a une récurrence dans les démarches que vous accompagnez sur Aidants Connect ?

Les impôts, la CAF, la sécurité sociale sont les principales démarches récurrentes. J’ai aussi quelques dossiers de retraite mais relativement peu puisque je les adresse en priorité vers les assistantes sociales notamment parce qu’il y a une reconstitution de carrière de la personne. J’accompagne aussi sur l’ANTS ou encore sur l’ANEF (l’Administration Numérique pour les étrangers en France) même si cela ne fonctionne pas toujours notamment pour les personnes qui ne sont pas France-Connectables.

Selon vous, quels sont les raisons qui expliquent que les usagers s’adressent à vous pour les accompagner dans leurs démarches administratives en ligne ?

Ce qui explique que l’on fait appel à moi, c’est généralement parce que les usagers ne savent pas ce que l’on attend d’eux. Ils ont la connexion sur leur smartphone pour les échanges, les communications et l’utilisation des emails. En revanche, les usagers ont un véritable blocage avec tout ce qui touche à l’administration. Ils ont peur de ne pas comprendre ce que l’on attend d’eux et de commettre des erreurs en étant conscients que cela peut avoir des conséquences très lourdes. C’est surtout vrai pour les personnes étrangères qui ont peur de ne pas comprendre la langue, certaines personnes sont analphabètes et tous ont peur de faire des bêtises. C’est tellement important pour eux qu’ils préfèrent déléguer. Les usagers sont prêts à attendre un mois à l’approche de l’été pour réaliser leurs démarches avec moi, cela montre à quel point ils me font confiance.

Avez-vous rencontré des difficultés lors de la présentation d’Aidants Connect aux usagers ?

Je n’ai aucune difficulté à présenter Aidants Connect aux usagers que ce soit pour lire le mandat ou bien le remplir. La façon dont j’opère c’est que je leur présente mes obligations et les leurs notamment sur la bonne transmission des informations. Je les informe aussi que le mandat peut être résilier à tout moment. Généralement, lorsque l’on créé le mandat, que l’on définit les thématiques ensemble et qu’on arrive à la durée du mandat, ils réclament la durée de mandat la plus longue possible ! Il y a une grande confiance entre nous (entre les usagers et moi).

J’aime bien aussi montrer la carte Aidants Connect comme gage de confiance. Je leur montre aussi une partie du parcours de connexion. Notamment, quand je dois me dépêcher de rentrer le code à 6 chiffres de ma carte avant qu’il s’efface. Cela les amuse beaucoup et ça permet aussi de détendre l’atmosphère ! Dans toutes les démarches que j’accompagne, je demande en permanence aux usagers l’autorisation. Aidants Connect matérialise la preuve de cette autorisation.

Faites-vous le lien entre Aidants Connect et autonomie numérique ?

Je dirai que le lien se fait lorsqu’un usager que j’accompagne ne fait plus appel à moi. On peut considérer que certains usagers sont devenus autonomes notamment dans une situation où je leur ai donné les identifiants de connexion, les mots de passe, c’est-à-dire toutes les facilités d’accès pour qu’ils puissent à leur tour accéder à leur compte sans mon aide.

Personnellement, je ne fais pas d’accompagnements spécifiques pour l’autonomisation des publics. La plupart du temps, mon rôle est d’éteindre les incendies, de faire face à des besoins immédiats. Parfois, ce sont même les usagers qui vous apprennent l’existence de document administratif !

En revanche, dès que le besoin est exprimé par l’usager, je l’oriente vers les structures de formation très compétentes qui existent sur le territoire de Vierzon. Mais ces cas sont très rares. J’accompagne des personnes relativement dépendantes.

Quels sont les avantages d’utiliser Aidants Connect pour vous ? Pour les usagers ?

Un point essentiel pour moi, c’est la sécurisation de mes actions. Le temps gagné sur le fait de ne plus réinitialiser identifiants et mot de passe France Connect c’est du temps supplémentaire pour l’accompagnement de la personne. Je peux me permettre ce luxe de prendre le temps avec les personnes que j’accompagne ce qui n’est pas le cas de tous les aidants.

Aidants Connect est selon moi un outil facilitateur.

Pour les usagers, c’est le fait d’avoir une identité numérique donc un identifiant et mot de passe qui prouvent qu’ils existent dans un monde numérique. Pour eux, c’est important puisqu’ils savent qu’ils sont reconnus lorsqu’ils voient leur nom et prénom sur un site administratif.

J’ai l’exemple d’un usager qui s’est retrouvé sans domicile du jour au lendemain, ce qui l’a énormément choqué. On lui a volé ses papiers d’identité et cassé son téléphone. Il n’avait plus les capacités de retrouver ses identifiants et il n’avait plus d’identité non plus. Pour lui, il n’existait plus.
Avec l’aide d’une personne qui travaille à la sécurité sociale, nous avons petit à petit récupéré des informations d’identité et je l’ai inscrit à France Travail pour qu’il retrouve un travail. Le jour où je lui ai annoncé la récupération de son identité numérique, il avait le souffle coupé et était très ému parce que d’un seul coup il existait à nouveau. Depuis, il a du travail et à chaque fois qu’il a un contrat de travail, pour me remercier, il me l’envoie fièrement !